Au croisement de la rue de Charonne et du Faubourg Saint Antoine, l’hôtel détient un emplacement pour le moins idéal. Ancien couvent au XVIIe siècle, dans lequel Baudelaire avait séjourné, Christian Lacroix s’est inspiré des multiples périodes  pour faire de ce lieu une véritable ode au quartier historique qu'est le Marais. Eternel amoureux de ce 4ème arrondissement, le créateur a vu évoluer dans ses rues, au fil du temps, des dancings ancestraux, des passages pavés ou verdoyants où se nichaient ateliers d’ébénistes et studios d’artistes, puis les bars à la mode et les grandes enseignes.

L’Antoine compte cinq étages, et le joli voyage dans le temps proposé par Christian Lacroix débute au dernier palier. En immergeant le visiteur dans les années 40/50, il rend hommage à l’esprit « balajo », un bar dansant ouvert pour la première fois vers 1935. Le papier peint illustre des personnages d’époque, tout en se juxtaposant à un autre papier à motifs « Arlequin », et aux rideaux rayés de plusieurs harmonies de couleurs. Le faux bois au sol nous rappelle aisément les parquets de danse. Des chambres sont toutes en hauteur et dégagent une atmosphère propre à ces années bien particulières.  

Le quatrième étage reprend les codes des ateliers d’artistes, autrefois très présents dans le Marais. Le sol est un trompe l’œil façon plancher, l’ocre et le béton alternant sur les murs où, parfois, une grande fresque abstraite façon kilim vient s’apposer. Les salles de bain sont tapissées de carreaux aux motifs richement baroques. On note une fois de plus le mélange maitrisé par Christian Lacroix avec succès.

Le troisième étage rend hommage aux ateliers d’ébénistes traditionnels. Plus conventionnel, le décor est essentiellement composé de fleurs et rayures classiques en plusieurs gammes de couleurs. Le mobilier se veut plus romantique, laissant derrière lui une atmosphère chaleureuse, également grâce aux trompe l’œil de moulures et de façades haussmanniennes.

C'est au deuxième étage que l’avancée dans le temps est la plus flagrante : la moquette rose fuchsia des couloirs annonce un esprit rappelant une galerie d’art contemporain. Cette époque marque, selon Christian Lacroix, une renaissance du quartier. Les murs toujours façon trompe l’œil contrastent avec le velours ancien des rideaux aux tons chaleureux de bleus ou de pourpres. Le mobilier reprend les codes des années 60/70 avec, par exemple, un bureau orange très « pop ».

Enfin, après s’être immergé dans les différentes époques du Marais qui ont marqué son évolution, l'on se retrouve au premier étage au décor très actuel, aux murs clairs, un esprit très minimal, végétal, avec une envie écologique manifeste. Les meubles de cet étage ont été pensés et construits par le designer plasticien Rémi Perret à partir d’éléments de récupération.

En décorant l'hôtel L'Antoine avec un souci aussi poussé du détail, Christian Lacroix vient probablement de signer l'un des plus beaux hommages à ce quartier plein de vie, avec une immersion historique et artistique.