Disons-le d'emblée : le défilé de Julien Fournié fut, une fois de plus, un éblouissement. Chez ce couturier, point de spectacle fanfaronnant puisque tout est organisé ici pour un moment de plénitude, à commencer par le décor, puis la mise en ambiance musicale avant d'ouvrir en douceur sur une collection baignée de lumière, qui semble couler de source.  Et pourtant, il y a tant de recherche, de réflexion et de travail pour aboutir à cette élégance à l'état pur. Jugeons plutôt sur pièces :  

La collection, qui a réuni des modèles prêt-à-porter et haute couture, comporte tout ce qu'on peut désormais considérer comme le Style Julien Fournié : chacune des silhouettes a sa propre personnalité qui s'inscrit dans la grande histoire du défilé. La petite robe ajustée, avec ses grandes fleurs tropicales en imprimé, son col V profond qu'affectionne le styliste et ses petites manches ajustées, ouvre avec panache ce Premier Paradis. Elle est suivie d'une autre silhouette qu'on aimerait résolument  s'approprier, composée d'un ensemble pantalon cigarette imprimé et d'une veste drapée fuchsia, l'illustration parfaite d'une prouesse technique comme seuls les ateliers parisiens savent la faire. Arrive ensuite un look sexy et urbain à la fois, avec un combi-short en crêpe bleu nuit avec ses manches longues et fluides qui apportent un esprit couture. Chacune des silhouettes incarne une allure composée à la fois de féminité et de sensualité, comme l'illustrent les shorts imprimés, portés sous de longues robes à boutonner.

Les années 70 ont servi, entre autres influences, de source d'inspiration, et les mannequins sont coiffés comme les héroïnes de la célèbre série Drôles de Dames. Les références stylistiques à cette époque sont perceptibles à d'autres endroits, dans les sublimes blouses lavallière ou dans le choix des couleurs où le couturier déploie tout son talent de coloriste. Car Julien Fournié sait marier avec une rare dextérité des teintes comme l'orange et le fuchsia, tout en les opposant au violet, à l'instar du grand Yves Saint-Laurent.  

Mais bien au-delà de ces inspirations cinématographiques, c'est surtout le style de cette maison parisienne qui est imprégné et réinventé, sur l'ensemble de la collection. Que ce soit dans les coupes des robes qui mettent en valeur les "courbes féminines", sous forme de fourreaux ou avec leurs larges jupes pour les modèles les plus couture. Ou dans l'utilisation des bijoux, autre marque très spécifique de la maison, créés par Julien : ils sont apposés sur les robes pour draper les épaules ou souligner la taille. Jamais nostalgique, le couturier fait aussi appel à des technologies pointues, comme les solutions d'attaches pour les pressions, développées par la société YKK. Ce qui ne l'empêche pas d'inclure le travail sophistiqué des dentelles rebrodées réalisé par la maison Sophie Hallette. Autre idée de génie de cet esprit bouillonnant : il mélange dans une même tenue le flou et le tailleur, les deux ateliers traditionnellement séparés, avec la basque amovible d'une redingote, qui se "pressionne sur un fourreau", selon ses termes. Et comme il connaît bien sa cliente qui est une femme du monde, à la recherche d'une allure toujours différente, il dessine avec cette même exigence des robes de jour, des ensembles jupes et blouses, des pantalons et des combinaisons, et toujours de sublimes fourreaux et robes pour celle qui sera dans la lumière.

Unies ou imprimées, parées de drapés, de dentelle ou de bijoux, in fine les allures sont toutes empreintes de la force et du mystère qui définissent la femme Julien Fournié.