Capféminin a rencontré une des plus talentueuses artistes de la scène française actuelle. A la fois auteure, interprète, musicienne et comédienne, elle interprète ce soir au Théâtre Garionne Rosa La Rouge, la révolutionnaire Rosa Luxembourg.

 Racontez nous un peu le spectacle...

Ce n'est pas un spectacle didactique sur Rosa Luxembourg, ce n'est pas une biographie, on s'est servis de ce qu'elle était en tant que femme pour créer un spectacle hybride qui parle beaucoup de moi aussi. C'est un parallèle entre mon métier de chanteuse et son activité de politicienne. J'ai beau être chanteuse et compositrice, ce n'est pas un concert, nous sommes quatre musiciens sur scène et nous sommes entourés de beaucoup d'images, la scénographie est très étudiée avec des grandes projections, des lumières très travaillées, tout est très théâtral. Les gens sont généralement assez perturbés. Et, surpris aussi, car c'est un spectacle très original.

Comment est né le projet ?

Avec Marcial di Fonzo Bo, le metteur en scène, on s'aime artistiquement depuis très longtemps. De mon côté, je l'avais vu jouer dans plusieurs pièces et il m'avait vue sur scène quand je travaillais avec Philippe Decouflé sur Iris. Suite à ces différentes rencontres, on avait tous les deux très envie de faire quelque chose ensemble et c'est lui qui a amené la première pierre avec l'idée de Rosa Luxembourg. Moi, je ne la connaissais pas, j'ai donc beaucoup lu sur elle et puis, pendant un an j'ai écrit au fur et à mesure que je lisais sa vie, ses écrits politiques, ses correspondances, beaucoup d'idées de musique me sont venues. Les chansons sont apparues, petit à petit, ainsi que les thèmes à développer. J'ai donné toute cette matière à Martial, il l'a mis dans l'ordre, il a enlevé et ajouté des choses, il m'a aidé à agencer la production des images. Ça a vraiment été un travail à deux, main dans la main.

Petit retour sur votre parcours original...

Moi, je viens du rock, alternatif, limite expérimental. Mon parcours, c'est vraiment le hasard, je n'ai pas cherché les choses, c'est uniquement une suite de rencontres extraordinaires. Ça a commencé avec mon premier groupe, qui a tenu assez longtemps, mais ça m'a vite lassée, après je me suis embarquée dans des projets solo. Puis j'ai travaillé avec Boucherie Production, c'était une rencontre assez incroyable qui m'a permis beaucoup de choses, entre autres, de signer avec une maison d'édition. Mais ce sont toujours les gens qui sont venus à moi, comme le chorégraphe Philippe Decouflé qui m'a vue sur scène et qui m'a engagée pour partir au Japon avec lui pour composer la musique d'une de ses pièces chorégraphiées, Iris, je n'avais jamais fait ça. De fil en aiguille, après c'est une réalisatrice de cinéma qu'elle m'ait vue sur le plateau d'Iris, elle m'a proposé de faire la bande originale pour son film, et cette BO a beaucoup plu à Martial et parallèlement je continuais à faire mes disques solo, de mener ma carrière un peu classique avec écriture, sortie d'album, tournée, promo mais ça me fatigue un peu. Je trouve ça un peu facile et convenu. Du coup, j'ai de la chance d'être confrontée à des expériences et des rencontres qui élargissent un peu cette vision stéréotypée de la carrière d'une chanteuse.

Vous avez eu la chance d'être invitée pour une résidence d'un an à la Villa Médicis à Rome, comment cela s'est-il passé ?

C'est arrivé en juin 2010, j'ai été sélectionnée pour partir là-bas. C'est une institution qui existe depuis des centaines d'années et qui représente la culture française à l'étranger. C'était une grande opportunité car cela a toujours été réservé aux compositeurs de musiques classiques et contemporaines. Et l'année dernière ils ont décidé d'élargir la discipline aux compositeurs de musique actuelle, rock, chanson, jazz. Cette expérience m'a permis d'écrire mon nouveau projet. Concrètement, on travaille entre pensionnaires de différents domaines, il y a des plasticiens, peintres, photographes, historiens de l'art, écrivains, musiciens. On vit là bas, on profite des rencontres et l'on se remet beaucoup en cause. On se questionne vraiment sur sa pratique de son art, ses méthodes, ses outils. Cela permet de revenir grandi et plus fort car le travail psychologique sur place est très important.

Quelle est la prochaine étape après la tournée de Rosa Luxembourg ?

C'est le projet que j'ai commencé à la Villa Médicis, et qui va s'appeler Le Salon des Refusées. Ce sera un concert pur, que de la musique avec cinq musiciens sur scène. Pour cette fois-ci, je vais mettre le disque avant avec un travail de production plus important. Ce sera un album plus homogène, plus cohérent, plus facile à travailler. J'ai envie de me prendre la tête sur une production très carrée, pour moi c'est un exercice beaucoup plus difficile que de lâcher mon imagination débridée et de partir dans tous les sens. Ce contrôle, cette canalisation est quand même dure et me demande beaucoup de temps mais j'ai envie d'un disque comme ça, moulé dans le même bois. Au niveau du style ce sera très marqué par la musique baroque que la Villa Médicis m'a inspiré et toujours , La villa est un contexte dans le temps qui est très décalé dans le temps, contexte qui me touche beaucoup, donc la musique est très empreinte de la musique de la Renaissance et de la musique baroque et toujours mélangé à de l'actuel comme je fais.